Jamais les innovations d'Abyss Ingrédients dans le domaine des biotechnologies marines n'ont paru si proches d'aboutir à un développement industriel. Cette entreprise de R & D basée à Caudan cultive depuis sa création en 2004 une expertise dans la mise au point de composés marins à haute valeur ajoutée pour les industries de la pharmaceutique et de la cosmétique. "Notre spécialité, c'est la valorisation des coproduits de poisson à travers l'extraction d'actifs bons pour la santé", rappelle Alexis Méhaignerie, 61 ans, qui a repris l'entreprise en 2016.
Adossée depuis 2018 au fonds GO Capital qui détient 49 % de ses participations, Abyss Ingredients développe un chiffre d’affaires d’environ 4 millions d’euros pour un résultat net de 86 400 euros. Composés d’une quinzaine de personnes, dont une bonne moitié d’ingénieurs ou docteurs en sciences, ses effectifs se déploient sur plusieurs sites, entre un petit atelier de production situé à Concarneau, des laboratoires de recherche à Rennes et à Bordeaux, ainsi que des bureaux commerciaux jusqu’à Berlin et Bangkok.
Franchir le cap industriel
Avec l’appui de partenaires, comme le centre technique IDMer à Lorient, Abyss Ingrédients fait fabriquer des poudres ou des hydrolysats, à base de calcium ou de collagène par exemple, à hauteur de quelques dizaines de tonnes par an, mais à plusieurs centaines d’euros par kg. Ces produits finis, jusqu’à 3 000 fois plus concentrés que les matières premières collectées, sont commercialisés en France bien sûr, mais aussi en Europe (30 %) et en Asie (30 %).
En vue de franchir un cap industriel et peser plus fortement dans un écosystème toujours plus concurrentiel, Alexis Méhaignerie mise beaucoup sur l’ulve, parfois appelée laitue de mer, tristement célèbre pour envahir et empoisonner certaines plages bretonnes chaque été. " Abondantes et riches en actifs très intéressants comme les polyphénols, ces algues représentent aujourd’hui un énorme potentiel pour asseoir une production durable de compléments alimentaires de qualité", assure le dirigeant qui a initié l’an dernier un programme en lien avec les universités de Bordeaux et de la Rochelle, ainsi que les sociétés néo-aquitaines Seprosys et Nutridry.
Un projet à 3 millions d’euros
Sous le nom de Alg4Health, ce projet a déjà donné des résultats encourageants dans le domaine des neurosciences. Les formulations testées favoriseraient grandement les facultés cognitives, en particulier la mémoire, avec des applications déjà envisageables auprès des seniors mais aussi des sportifs. Mobilisant un budget de plus de 3 millions d’euros, le consortium a récemment décroché un accompagnement de Bpifrance d’environ 2 millions d’euros, dont 500 000 euros en avances remboursables, au titre du plan France 2030 sur le volet alimentation saine durable et traçable.
"C’est pour nous un véritable filet de protection en même temps qu’un coup d’accélérateur, car la R & D représente un processus aussi cher que long et risqué", avance Alexis Méhaignerie qui entrevoit le déploiement d’un nouveau site de production à partir de la fin 2023. Son ambition : alimenter une croissance moyenne de 15 % par an, avec en ligne de mire un chiffre d’affaires d’environ 8 millions d’euros d’ici 2026.