Moselle
Albane Pillaire (Parc Zoologique d’Amnéville) : "Notre stratégie de diversification paye, car l’exploitation du zoo redevient équilibrée"
Interview Moselle # Parcs de loisirs # Investissement

Albane Pillaire présidente du Parc Zoologique d’Amnéville "Notre stratégie de diversification paye, car l’exploitation du zoo redevient équilibrée"

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Le Parc Zoologique d’Amnéville, en Moselle, enregistre 100 000 visiteurs supplémentaires en 2023. Pour sa présidente, Albane Pillaire, ce rebond de la fréquentation permet d’envisager plus sereinement les projets liés à l’hébergement.

Albane Pillaire est arrivée à la présidence du Parc Zoologique d’Amnéville en avril 2021 — Photo : Parc Zoologique d'Amnéville

Le Zoo d’Amnéville a vu passer un total de 450 000 visiteurs en 2023, soit 100 000 de plus par rapport à l’année dernière. Faut-il y voir un effet "Luminescence", ce festival de lanternes qui vous a permis de redynamiser l’hiver ?

L’événement "Luminescence" est en effet un gros "driver" de visite, parce que l’hiver est une période qui n’était habituellement pas ou peu travaillée. Manifestement, l’événement a vraiment plu pour la première édition et l’engouement s’est encore accéléré sur la deuxième. Bien sûr, Luminescence apporte une grosse partie de cette augmentation, mais la fréquentation est aussi en hausse sur la période estivale. Ces chiffres sont le fruit de la stratégie de remontée en puissance du zoo, de modernisation, de remise en question de l’expérience de visite, de travail sur les partenariats.

Les Lorrains représentent toujours un visiteur sur deux. Où allez-vous chercher de nouveaux visiteurs ?

Historiquement, nous avions plus de clients en provenance d’Alsace et de Champagne-Ardennes. Ces deux publics ont un peu coupé les ponts avec le zoo depuis quelques années. Aujourd’hui, avec à la fois la communication, les messages sur les nouveaux projets, nous allons au-devant de ces publics, sur des salons grand public, des foires. Et nous constatons qu’il y a une curiosité et une envie de revenir voir ce qui se passe au zoo. Dans la bataille Covid, nous avons un peu perdu nos frontaliers immédiats de la Grande Région. Mais grâce au travail que nous avons entrepris sur l’Allemagne, le Luxembourg, et dans une moindre mesure la Belgique, nous avons réussi une percée qui est inédite. Nous misons sur l’espace frontalier, notamment parce que nous avons la chance de ne pas avoir beaucoup de concurrents à proximité. Et nous avons aussi la volonté d’aller séduire à nouveau, de reconquérir nos clientèles historiques que sont l’Alsace et la Champagne Ardenne ainsi que le Nord de la Bourgogne.

"Nous sommes autant impactés par l’augmentation des crèmes glacées, qui ont pris 80 % l’été dernier, que par le coût du verre, du métal, du bois qui a flambé."

Concrètement, sur quel chiffre d’affaires cette fréquentation redynamisée vous permet-elle de terminer l’exercice 2023 ?

Nous ne communiquons pas sur le chiffre d’affaires. Mais, la progression de fréquentation nous permet d’atteindre 25 % de croissance sur le chiffre d’affaires entre 2022 et 2023. Nous sommes sur une progression très forte, à années comparables. Et cela se voit aussi bien dans la dynamique de billetterie que dans l’accueil des groupes. Nous avons aussi beaucoup travaillé la clientèle d’entreprise, pour les faire venir sur des événements à la journée, des séminaires, des assemblées générales. Notre salle de 1 800 places permet d’imaginer beaucoup de formats. Tout cela est venu compléter le chiffre d’affaires historique. Cette stratégie de diversification paye, car l’exploitation redevient équilibrée.

Malgré l’inflation et l’envol des coûts de l’énergie ?

Ce retour à l’équilibre d’exploitation est vraiment très gratifiant pour toutes les équipes parce que nous le faisons dans un contexte extrêmement complexe. La crise énergétique, depuis 2022, a multiplié par plus de deux les coûts d’énergie. Vue de l’extérieur, ce n’est pas évident, mais nous avons des consommations dignes d’une industrie, et pas du tertiaire, secteur dans lequel le zoo est classé. Concrètement, ce poste est passé de 500 000 € à plus d’1,2 millions d’euros. Il n’est évidemment pas possible de faire reposer cette charge sur le visiteur. Nous avons aussi dû absorber des inflations diverses et variées : nous sommes autant impactés par l’augmentation des crèmes glacées, qui ont pris 80 % l’été dernier, que par le coût du verre, celui du métal, celui du bois qui ont flambé.

Avez-vous fait passer des hausses auprès des visiteurs ?

Non. En revanche, nous avions de grosses marges de manœuvre sur la gestion de l’entreprise. Nous sommes passés d’une entreprise "passion" à une entreprise dans laquelle, depuis le rachat par Prudentia Capital, nous mettons en place des outils de pilotage. Nous essayons de tout maîtriser, mesurer, quantifier, optimiser. C’est une véritable culture du changement, car dans le même temps, nous nous structurons, nous conduisons un changement profond du zoo, y compris dans le relationnel du zoo avec son environnement. C’est aussi pour cela que nous nous développons de manière accélérée, parce que le soutien du territoire est extrêmement fort, que ça soit la Moselle, la Région Grand Est ou encore les chambres consulaires.

"Le zoo est une locomotive de l’attractivité du territoire."

Lors de la reprise par Prudentia Capital, en 2020, le zoo était lourdement endetté, à hauteur de 53 millions d’euros. Quelle est la situation financière aujourd’hui ?

Aujourd’hui, le zoo est toujours en plan de continuation. Nous sommes dans une procédure qui pèse évidemment sur nos comptes, puisque nous respectons tous les remboursements annuels. Nous voyons un peu la lumière au bout du tunnel. Le travail que nous menons va bientôt payer. Entre d’une part les mesures de gestion, de modernisation du management, et d’autre part le développement, la tendance de fond qui se maintient sur ce début d’année 2024, et demain, l’allègement… Quand nous serons arrivés au terme des remboursements, nous allons tout de suite prendre beaucoup d’air. Nous avons encore peut-être deux années un peu compliquées à passer. Mais d’ici trois ans, notre retour en forme va encore s’accélérer.

Et les banques vous suivent-elles toujours sans problème ?

Il y a eu un gros travail d’acceptation par les banques d’effacement d’une partie de la dette. Elles sont fortement partenaires du zoo pour ce qui concerne les deux banques qui nous accompagnent. Nous avons des interlocuteurs locaux et régionaux, qui sont convaincus de l’importance du zoo. Ils ne le voient pas comme une simple entreprise, et je suis honorée que nous partagions cette vision. Le zoo est une locomotive de l’attractivité du territoire, c’est un pôle d’emploi. L’été nous montons à 160 personnes. C’est toute une zone que nous dynamisons. Pendant la période hivernale, qui est hors saison pour les activités majoritaires de la zone d’Amnéville, avec Luminescence, les restaurants sont remplis, les hôtels aussi. Nous jouons un rôle d’équipement structurant qui dynamise son territoire et les banques le comprennent comme ça.

Votre actionnaire principal, Prudentia Capital, reste-t-il aussi totalement convaincu ?

L’actionnaire est complètement investi et très impliqué. Lors du Covid, alors qu’ils venaient de signer, ils ont été à nos côtés et le sont encore. Ils maintiennent le cap de l’ambition, nous soutiennent, nous aident avec les réseaux qu’ils peuvent actionner. Notre actionnaire est convaincu, et évidemment très content des chiffres que nous partageons sur le développement du zoo sur les derniers mois.

"Les réflexions sur l’hébergement montent de plus en plus fort puisque nous avons différents projets."

Avez-vous programmé des investissements pour les années à venir ?

Tous les ans, nous avons plusieurs rubriques d’investissement. La rubrique nouveautés est importante parce qu’il faut toujours avoir quelque chose à dire. Mais nous avons aussi pris en main un zoo qui avait quelques années de retard en termes de maintenance. Il y a un travail de fond sur les installations. C’est plus ingrat, pas forcément visible, mais cela assure la pérennité des installations. Il y a aussi un travail par rapport à notre métier et par rapport aux espèces que nous accueillons. Les connaissances évoluent, la science évolue, et il faut aller vers le meilleur état de l’art en matière d’installations animalières. Nous avons choisi de renoncer à certaines espèces pour donner plus de place à d’autres. Certains investissements sont fléchés sur la sécurité et la conformité. Parce qu’évidemment, nous sommes sur un établissement qui pour les salariés, les visiteurs et les animaux, a un niveau de risque important et nécessite une vigilance de tous les instants. Nous sommes sur des centaines de milliers d’euros d’investissement par an pour maintenir toutes les installations. Grâce à ce travail, nous avons pu être réaccrédités, avec les félicitations en 2022 par l’EZEA, l’Association européenne des zoos et aquariums.

Où les réflexions autour de l’ouverture d’hébergement au sein du zoo en sont-elles ?

Les réflexions sur l’hébergement montent de plus en plus fort puisque nous avons différents projets. Un premier projet, sur lequel nous souhaitons nous faire la main, qui est un projet d’une sorte de maison d’hôtes, avec une immersion exclusive sur les tigres dans une ambiance sud-asiatique. Nous sommes en train de finaliser le tour de table de ce projet. C’est l’objectif pour financer ce beau projet qui pourrait être une première étape pour 2025, en restant dans les murs du zoo. Le projet pourrait donc aboutir sans aller chercher des complications ou des délais administratifs.

Parlons-nous d’un investissement compris entre 3 et 4 millions d’euros ?

Ça sera un peu moins, parce que nous avons trouvé des économies d’échelle et des installations déjà existantes pour la partie animalière, qui vont nous permettre de nous concentrer sur la partie hébergement pour les visiteurs. Après, nous avons d’autres projets sur une réserve foncière de 3 hectares. C’est une page blanche que nous n’osons pas encore toucher : ça peut être tellement de choses ! Mais nous avons un troisième axe qui est en train de mûrir : il s’agirait d’installer dans le parcours du zoo des hébergements de type maison insolite, à quelques endroits choisis où il serait possible d’offrir aux visiteurs une expérience prolongée, en restant la nuit chez nous. C’est un projet plus léger et plus rapide à déployer, à l’horizon 2025 ou 2026. L’hébergement fait partie des codes modernes et attendus, on nous le demande plusieurs fois par semaine. Et c’est aussi un élément important pour le territoire, parce que l’enjeu de la Région Grand Est et de la Moselle, est de fixer les visiteurs et de ne pas avoir uniquement des excursionnistes qui sont aujourd’hui largement majoritaires.

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