St Hubert va investir 50 millions d’euros dans son usine de Ludres, près de Nancy
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St Hubert va investir 50 millions d’euros dans son usine de Ludres, près de Nancy

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Le leader français de la margarine, St Hubert, va lancer un vaste plan d’investissement dans son usine de Ludres, en périphérie de Nancy. Avec un objectif : réduire au maximum l’impact environnemental de la production, innover dans les produits et s’attaquer à de nouveaux marchés à l’export.

Jérôme Stein est le directeur industrie de St Hubert — Photo : Jean-François Michel

Caché dans une feuille de calcul sur l’ordinateur du directeur industriel de St Hubert, Jérôme Stein, le chiffre ressemble à un objectif inatteignable : -63 %. "C'est l’objectif du scénario numéro 4, celui que nous avons retenu au terme de plus d’un an de travail. Nous voulons abaisser de 63 % les émissions du site, soit une réduction de 1 106 tonnes équivalent CO2 de nos émissions", détaille Jérôme Stein.

Concrètement, le leader français de la margarine, la société St Hubert, propriété du chinois Fosun, va investir un total de 50 millions d’euros sur 7 ans dans son usine de Ludres, en périphérie de Nancy, dont trois millions d’euros directement fléchés pour décarboner la production des iconiques boîtes de St Hubert 41, de St Hubert Oméga 3 et de l’ensemble des dérivés imaginés par l’industriel.

Une démarche lancée pour se saisir des "opportunités de développement"

"C’est une démarche holistique", souligne Jean-Christophe Sibileau, le PDG de St Hubert. Arrivé à la tête de l’entreprise il y a 18 mois, le dirigeant a injecté 1 million d’euros dans des études consommateurs qui ont confirmé son intuition : "Nous avons des opportunités de développement sur nos marchés", se félicite le dirigeant, qui traduit aujourd’hui les ambitions de St Hubert dans une nouvelle feuille de route stratégique. "Nous allons nous doter de nouvelles capacités, tout en nous équipant d’un outil industriel plus flexible, capable de s’adapter aux innovations à venir, et en parallèle, nous allons décarboner nos procédés", dévoile Jean-Christophe Sibileau.

Une fois l’émulsion entre l’eau et l’huile réalisée, le procédé de fabrication de la margarine implique de faire cristalliser le tout, à -29°C — Photo : Jean-François Michel

Avec un total de 210 salariés dont 109 à Ludres, le groupe St Hubert produit chaque année environ 30 000 tonnes de margarine et d’alternatives végétales à la crème, pour un chiffre d’affaires de 116 millions d’euros en 2023. L’industriel de l’agroalimentaire envisage désormais de reconfigurer totalement les 20 000 m2 de son usine, pour y installer deux nouvelles lignes de production à côté des quatre actuellement en service. "Au final, dans 7 ans, nous serons capables de multiplier les tonnages produits par deux", anticipe le directeur industriel de St Hubert. Soit un total de 60 000 tonnes de produits.

Des innovations en rayon dès le mois d’avril

Actuellement, l’outil industriel de St Hubert n’est chargé qu’à 60 % et l’usine ne tourne pas le week-end : le plan d’investissement va donc de pair avec une stratégie d’augmentation des volumes produits, de conquête à l’export, mais aussi d’innovation sur les produits. "Nous venons par exemple de mettre sur le marché italien un mascarpone végétal, produit dans l’usine de Ludres", illustre Jean-Christophe Sibileau. "À l’aveugle, le consommateur est incapable de faire la différence avec un mascarpone classique." L’industriel veut aussi cibler d’autres classes d’âge et veut réussir à imposer des "produits plus gourmands", moins identifié comme répondant à des problématiques de santé. "Une bonne partie de ses innovations produits seront en rayon dès avril", révèle le PDG de St Hubert.

Aller sur les marchés européens

Revendiquant une part de marché de 47 % en France grâce à la marque St Hubert, les produits de l’usine de Ludres sont vendus dans la péninsule italienne sous la marque Vallée, qui revendique une part de marché de 80 %. "15 % de ce que nous produisons est exporté vers l’Italie", détaille Jérôme Stein, qui dévoile : "Cette année, nous irons en Allemagne". Grâce à une croissance externe, en investissant dans une nouvelle marque ? Les dirigeants de St Hubert explorent toutes les stratégies possibles. "Nous avons la volonté d’aller sur les marchés européens", concède Jean-Christophe Sibileau. "Mais il est trop tôt pour dévoiler notre stratégie", tranche le PDG, qui se dit attentivement observé par la concurrence.

Les lignes de production de l’usine St Hubert de Ludres, chargée actuellement à 60 %, pourraient sortir, une fois le plan d’investissement exécuté, 60 000 tonnes de produits — Photo : Jean-François Michel

Vers une consommation d’énergie "100 % électrique"

Mise en service il y a 50 ans, l’usine de Ludres a déjà bénéficié d’investissements pour minimiser sa consommation énergétique. Les derniers efforts ont permis de ramener la consommation totale du site à 12 mégawattheures par an, dont deux tiers d’électricité et un tiers de gaz. L’équipe de St Hubert a obtenu ce résultat en actionnant trois leviers : l’investissement dans des équipements de récupération de la chaleur fatale, la suppression de la vapeur sur l’ensemble des procédés et le remplacement d’anciennes chaudières. Certifié ISO 50 0001 pour le management de l’énergie, le site bénéficie déjà d’une organisation interne tournée vers la maîtrise des consommations grâce à une équipe "énergie". Maintenant, il s’agit d’aller beaucoup plus loin.

"L’objectif est de ne plus consommer de gaz et de passer à 100 % à l’électricité", révèle Jérôme Stein. Parmi les premiers chantiers à lancer, le directeur industriel de St Hubert veut "changer la supervision" de son outil industriel pour aller vers "un reporting beaucoup plus fin de façon à analyser très finement la consommation du site" grâce à une multitude de capteurs. Ensuite, une fois l’existant optimisé, l’équipe de St Hubert pourra "dimensionner finement" les futurs équipements.

De la chaleur fatale à récupérer

Au cœur du bâtiment industriel, qui doit être totalement isolé par l’extérieur, trônent actuellement deux "fondeurs", utilisés pour réchauffer les huiles incorporées dans le processus de fabrication de la margarine, grâce à une sorte de bain-marie industriel, dans lequel l’eau est portée à 96°C en brûlant du gaz. "Ces équipements dégagent énormément de chaleur", résume Jérôme Stein. "À tel point que nous sommes obligés de faire tourner la climatisation pour garder des conditions de travail acceptable." L’équipe de St Hubert a trouvé sur le marché des équipements répondant aux besoins du procédé, pour une consommation moindre : "Et nous allons récupérer la chaleur fatale sur ce poste", souligne Jérôme Stein.

Chaque année, St Hubert consacre 80 000 € à la sécurité de ses salariés — Photo : Jean-François Michel

Une fois l’émulsion entre l’eau et l’huile réalisée, le procédé de fabrication de la margarine implique de faire cristalliser le tout, à -29°C. "Nous cherchons une solution pour avoir des compresseurs qui consomment moins d’électricité et affichent une meilleure efficacité", précise Jérôme Stein. En bout de ligne, le stockage de la margarine et des autres produits va aussi être revu : "Aujourd’hui, nous produisons du froid avec de l’électricité et de l’ammoniac. Demain, l’idée est d’utiliser un gaz neutre, tout en réduisant la facture d’électricité de 50 %. Nous avons trouvé un système innovant qui a été breveté fin 2023", précise Jérôme Stein.

L’eau sera traitée à chaque point de consommation

Parmi les autres dépenses programmées, le remplacement de toutes les ampoules de l’usine par des LED, mais aussi la destruction des 1 500 m2 de bureaux installés à proximité de l’usine, utilisés par une quarantaine de collaborateurs. La moitié de la surface de ces bureaux est louée à la société de location de bureaux Quartier des entrepreneurs. "C’est un bâtiment des années 70, une véritable passoire énergétique", regrette Jérôme Stein. Le directeur industriel de St Hubert a confié à Nancy Construction la réalisation d’un espace de 800 m2, qui devra répondre aux exigences du label "Bâtiment Basse consommation".

Autre piste pour minimiser l’empreinte environnementale du site, la gestion de l’eau. "Nous allons adopter une philosophie complètement différente", introduit Jérôme Stein. "Jusqu’à présent, nous avons eu tendance à massifier, c’est-à-dire à procéder comme dans une station d’épuration, dans laquelle on collecte tout pour ensuite traiter. Désormais, nous allons traiter chaque point de consommation quasiment de manière individuelle." Travaillant sur ce sujet avec une start-up, le directeur industriel de St Hubert assume une position de pionnier : "Ça peut fonctionner ou ça peut ne pas fonctionner. Mais à un moment donné, nous sommes bien obligés d’être précurseurs pour aller sur des systèmes innovant".

1 000 jours sans accident de travail

Ancien de l’industrie laitière, arrivé il y a trois ans chez St Hubert, Jérôme Stein pilote la transformation de l’usine de Ludres en conjuguant complicité avec les équipes et rigueur absolue sur la sécurité : "Sécurité des hommes, sécurité des machines, sécurité du produit", enfonce le directeur industriel. "Si une de ces trois règles n’est pas respectée, on arrête tout".

Une rigueur qui a permis à l’usine de dépasser les 1 000 jours sans accident de travail et permet de viser désormais les trois ans sans aucun incident. "Toutes nos réunions, quotidiennes, hebdomadaires ou mensuelles, commencent par un point sur la sécurité", détaille le directeur industriel de St Hubert. À l’arrivée de Jérôme Stein à Ludres, St Hubert avait eu à déplorer un accident : depuis, plus rien, et le taux de fréquence des accidents du travail reste à zéro. "Nous dépensons environ 80 000 € par an pour la sécurité", dévoile Jérôme Stein. "Objets de manutention, vêtements ergonomiques, chaussures de sécurité, tout peut rentrer dans la dotation et nous ne regardons pas à la dépense."

Chaque seconde, une barquette de St Hubert Oméga 3 est consommée en France — Photo : Jean-François Michel

Inciter à faire de la qualité

Partout dans l’usine, bien visibles, s’étalent les douze règles incontournables qui encadrent la vie de l’usine. En cas de non-respect, le directeur ne transige pas : "Entretien disciplinaire et ça peut aller jusqu’au licenciement", tranche Jérôme Stein. Exposés aux chutes, aux chocs ou encore aux coupures, les salariés de St Hubert sont devenus acteurs de leur propre sécurité à travers le système dit des "tandems sécurité" : "Quand un cadre, un agent de maîtrise ou un chef d’équipe formé à cette méthodologie passe dans les différents ateliers de l’usine, il conserve en permanence un 'œil sécurité' et va voir les personnes sur leur poste de travail pour leur faire des compliments sur leur façon de travailler ou leur donner des conseils sur une mauvaise habitude", décrit Jérôme Stein. Incités par un prime lié à une obligation de faire a minima un tandem par mois, les managers rédigent ensuite une fiche résumant leurs entretiens. Ensuite, ce système permet de repérer des signaux faibles sur des dysfonctionnements dans la production et de les corriger.

"Une sortie de palettes qui n’est pas correctement faite pour telle ou telle raison, ce sera consigné puis étudié en comité de direction, pour ensuite aboutir à une modification technique", déroule le directeur industriel de St Hubert. Pour Jérôme Stein, l’enjeu est de mettre en place un cercle vertueux : " Si le personnel est en bonne santé, se plaît dans le travail, ils feront des produits de qualité. Et si on a des produits de qualité, ils se vendront bien".

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